vendredi 31 mai 2013

Jack Vance est mort

Cela devait forcément venir un jour proche, vu une date de naissance en 1916, mais cela fait quand même un  choc : Jack Vance est mort ce dimanche 26.
La photo iconique de Jack Vance, voyageur par l'esprit et sur la mer

Jack Vance, ce fut d'abord pour moi l'auteur du cycle de Tschai, série de référence sur la découverte et la survie d'un individu plongé dans des sociétés non humaines, et notamment du Chash (le premier de la tétralogie, donc forcément mémorable), et le Dirdir (de l'aventure pure, mais aussi de grands moments de "sociologie" non-humaine) (ces deux la ne sont plus disponibles en neuf en france !?).
Les magnifiques couvertures de Caza m'ont aussi beaucoup vendu le cycle..

Puis, aussi,  Lyonesse, grande trilogie de fantasy, pleines de voyages, de magiciens retors, de paysages anciens et de légendes vivant dans le présent, de grands complots et de petite intrigues, et aussi peut-être la plus exemplaire collection de héros et antagonistes vanciens qui soit.

 J'aime aussi beaucoup un roman sans doute mineur, mais qui reprends des thèmes que j'ai toujours apprécié (nouveau départ d'une société, dans un contexte marin en apparence idyllique) :  Un monde d'azur.
(on pourrait aussi parler du sulfureux Méchant garçon, et a part celui la, je connais très peu les oeuvres non sf/fantasy de Vance). Et puis aussi Les princes Démons, Alastor et Marune et.. , bref, la liste est longue.

Vance, c'est  un auteur imaginatif, capable de poésie et de contemplation (notamment une bonne partie des passages de Suldrun dans le premier tome de Lyonesse), mais aussi d'aventures avec un grand A. De la vraie aventure, taillé au  plus prés d'individus relativement normaux, sans jamais succomber a des délires épiques. Le héros est rarement un surhomme, au plus est il un peu entraîné ( Adam Reith) ou chanceux  et rapide à la fuite (Cugel).
C'est surtout un merveilleux conteur d'histoires,  et un inventeur hors pair de mondes exotiques et de coutumes étrange, avec un vocabulaire précis et recherché ( il m'a appris indenture, notamment).
Et puis, c'est un auteur (relativement) moderne : je suis en train de me faire une overdose de Fulgur  actuellement, et je sature un peu sur le sexisme de Smith (et son idéologie du Surhomme), choses qu'il ne me semble pas avoir vu chez Vance (certes il est un tout petit peu postérieur).

Après, sur la masse de livres qu'il a écrit, on retrouve des effets de styles, des répétitions de personnages, de situations, d'intrigues. Les antagonistes, les relations amoureuses du héros sont souvent un peu semblables, par exemple. Mais c'est sans aucun doute aussi une conséquence obligatoire de la productivité littéraire : c'est d'ailleurs je pense l'auteur dont j'ai le plus de livres (au moins 49), ce qui doit bien constituer 90% de ce qui a été traduit - je ne crois pas l'avoir jamais lu en anglais. Et puis, si on évite d'en lire dix à la suite, on ne s'en rend pas vraiment compte :)
On pourrait aussi lui reprocher d'avoir inspiré - malgré lui - la magie vancienne (ah mon dieu, TVTropes, adieu ma matinée) de D&D, que j'ai toujours trouvé déplaisante  - tu apprends tes sorts le matin, c'est figé pour la journée : certains appellent cela : incitation à penser stratégiquement, je vois plutôt cela comme une obligation de penser stratégie de combat  - par rapport a des systèmes plus libres. Mais il n'y est pour rien au final si Gygax l'adorait, au point de nommer un grand antagoniste.. Vecna (je n'avais jamais fait le rapprochement avant de lire la page sur TVTropes).

Au final, un grand auteur nous a quitté, l'un de mes préférés au final, même si cela fait longtemps (à part l'anedoctique Méchante fille, sur ce blog critiqué) que je n'ai ouvert un de ses livres..  On pourra toujours se consoler en se disant qu'il avait fini son oeuvre depuis déjà une dizaine d'année, et que celle-ci, fort complète, ne nous laisse pas un goût d'inachevé, mais quand même..
J'ai bien envie de me relire Tschai du coup. Et puis Lyonnesse ( surtout que j'ai jamais pris le temps de lire l'édition révisée de Madouc..)

jeudi 16 mai 2013

Manhattan a l'envers, par Peter F.Hamilton



Ce livre contient 7 nouvelles, pas loin de la novella pour certaines :
- En regardant pousser les arbres : une enquête s'étendant sur plusieurs siècles, dans une uchronie basé sur une évolution de ',empire romain par le croisement des gladiateurs. Et en même temps, on suit une évolution technique grandissante. Intéressant, notamment pour la découverte progressive et entre les lignes (pas d'info dumps) de la société du narrateur.
- Un électorat en marche : dans une Angleterre en crise et sans avenir, si on a le choix de tout recommencer sur un autre monde, certes avec des règles parfois contraignantes, qui peut décider de rester a se battre, plutôt que de partir vers l'espoir ?
- Si du premier coup : une histoire de voyages temporels. Inracontable sans trop en dire, mais plutôt réussi.
- Le chaton éternel : une histoire courte, ou la chute horrifiante arrive comme un coup de tonnerre soudain dans un ciel bleu.
- Le piège à démon : c'est une enquête de Paula Myo, cette transfuge d'une société qui l'a con¸u et programmé pour être une excellente policière (Elle ne peut transiger avec le crime, en aucune façon : pas d’arrangement, pas d'abandon, etc..) Elle se passe avant les événements de Pandore. Les thèmes sont ceux de la mémoire, de l'individu(-alité). Pas vraiment convaincant, le coté mémoire ayant déjà été abordé dans Pandore.
- Manhattan à l'envers : nouvelle histoire de Paula Myo, situé après Pandore : sur une planète récemment ouverte a la civilisation, des animaux jusque la inoffensifs s'en prennent maintenant à l'homme. Paula doit trouver pourquoi. De la SF classique "mystère à résoudre sur une planète inconnue", mais qui ne m'a pas trop accroché.
- Béni par un ange : cet histoire se passant avant la trilogie du Vide raconte de façon indirecte la genèse d'un des personnages principaux : intéressant en tant que préface, nettement moins en tant qu'histoire indépendante.

Au final, une impression mitigée. De toute façon, en regardant les origines de ces nouvelles, on constate que c'est une anthologie faites de textes parus sur une dizaine d'année a droite a gauche, il n'y a donc pas vraiment de cohérence. Au final, quelques réussites, notamment le chaton éternel, des textes qui laissent sur le faim (on aimerait en savoir plus sur ce dérivé d'empire romain), et des histoires moyennes, notamment celle de Paula Myo. Après, si on est fan du personnage...

mercredi 15 mai 2013

Acacia, la trilogie, par David Anthony Durham


Acacia: The War with the Mein
Leodan, roi d'Acacia règne de son île sur le monde connu, tous les autres états lui étant inféodes.
La création de cet empire est maintenant perdu dans les légendes. Et seul le souverain et ses plus proche conseillers savent la corruption sur laquelle l'empire se maintient, basé sur le sombre marché passé avec la Ligue, les seuls a commercer avec les terres inconnues de l autre côté de l océan.
Mais tout cela, les quatre enfants du roi ne le savent pas, comme ils ignorent que du nord va déferler la vengeance d un peuple à la mémoire longue, on pourrait même dire vivante..
Ce résume est un peu succinct, mais en dire plus serait trop en révéler. En effet, cette trilogie raconte une vingtaine d'année, plus exactement, le premier volume décrit deux périodes de quelque mois chacune séparées par 9 ans, les deux autres volumes se passent neuf ans après, sur une période d'une douzaine de mois, il me semble ( comme d'habitude, livres finis il y a un mois, pas pris de notes, etc..)
C'est donc assez dense. C'est aussi un roman ou, comme dans le Trône de fer notamment, on suit plusieurs personnages, a raison d'un par chapitre. Le premier livre contient 71 chapitres, pour 770 pages, et je pense qu'il doit y avoir une douzaine de personnages (comme d'habitude : lives lus il y a quelques semaines, pas de prise de notes..), chaque chapitre "appartenant" donc à un personnage parmi une douzaine. Cette densité a fait que lorsque j'ai lu le 1er volume il y a quelques années, je l'ai ressenti comme "Le Trône de Fer, mais en un seul volume" (La Guerre du Mein se lit en effet très bien de façon isolé), ce qui est un sacré tour de force (serait ce un hasard que George RR Martin soit l'auteur de citations élogieuses sur ces livres ?). Les deux volumes suivants m'ont semblé un peu moins "compacts", et à ce titre, un peu moins bon : après aussi, ma lecture initiale était en anglais, langue concise, alors que ma relecture du premier et lecture des deux suivants se fit en français.
Au delà de la structure, le parallèle avec le trône de fer se fait aussi sur les thèmes : politiques, intrigues, et conflits. La fratrie Akaran n'est pas non plus très éloigné de la fratrie Stark à la base, sans en être une pâle copie.

Lors de ma relecture-lecture, j'ai choisi la version française pour voir si la réflexion sur l'un des éléments qui m'avait vendu le livre en 2007 était plus facile à percevoir. En effet, je l'avais découvert
par ce billet  http://theangryblackwoman.com/2007/08/24/acacia-by-david-anthony-durham/ , l'auteur est afro-américain, ce qui est assez rare en fantasy, et cela serait perceptible dans son oeuvre.
Alors, effectivement, si on essaye de creuser cet angle spécifique, la place conséquente de l'esclavage (et d'une forme de commerce triangulaire) et de la drogue (utilisé comme moyen de contrôle de la population) a forcément une résonance particulière pour un noir américain. On pourrait aussi verser au dossier le fait que les méchants initiaux sont très pales de peau, obsédés par leurs ancêtres (donc la race et la filiation), mais cela me parait déjà plus hasardeux.
Par contre, le côté très cosmopolite du monde, clairement revendiqué par Durham (voir ici : http://www.salon.com/2011/11/09/if_tolkien_were_black/ ), change de façon conséquente de l'uniformité courante en fantasy, chez les humains tout au moins.
Au final, si je me garderai bien d'essayer de trop analyser le livre et son auteur, c'est prenant, original et bien écrit. J'ai préféré le premier volume au deux autres, parce que j'ai vraiment été bluffé par la richesse (en terme d'intrigues et d'histoires) de celui-ci, mais la trilogie est de très bonne qualité.

samedi 11 mai 2013

The Apocalypse Codex, par Charlie Stross



Se remettant lentement de ses blessure physiques et mentales subies lors de The Fuller Memorandum, et en reconnaissance de l’héroïsme qu'il a montré (et surtout, parce que Case Nightmare Green (l'apocalypse d'inspiration Lovecraftienne) approche, et qu'il faut former les troupes), Bob Howard est entraîné pour devenir
un manager à La Laundry, cette agence secrète britannique spécialisé dans la lutte contre les menaces paranormales. Pour parfaire sa formation, il est placé au département des Ressources Externes, un département spécial qui utilise des agents freelance pour gérer les situations susceptible d’embarrasser la Reine et le Pays. Et pour sa première mission, il est chargé d'enquêter sur un télévangéliste américain un peu trop proche du Premier Ministre.
Quatrième volume des aventures de Bob Howard, j'y ai retrouvé le cocktail habituel d'espionnage, de nerderie, et de de Lovecrafterie, mais avec des ingrédients différents. La série se renouvelle (ou s'égare ?) en envoyant Bob loin de ses compagnons et lieux habituels. Si on croise un peu l'entourage habituel, la plupart du livre se déroule en Amérique, ou Bob doit gérer deux agents très spéciaux.
J'ai eu d'ailleurs un peu de mal avec ces deux agents, qui donne un ton .. différent : l'introduction est une scéne sorti d'un livre de Tom Clancy, et ces deux agents sont des super espions typiques du technothriller, sauf qu'en plus, ils font de la magie.
On est assez loin de Bob Howard, geek certes avec des ressources surprenantes, mais geek d'abord. Cependant, l'introduction de ces nouveaux personnages, avec leurs scènes à la troisième personne, permet aussi de montrer d'autres aspects que Bob ne pourrait pas logiquement nous raconter.
Au final, au fur et à mesure que l'intrigue avance et que Bob devient de plus en plus impliqué dans l'action, on retrouve davantage l'ambiance habituelle, mélange d'horreur, d'humour subtil et anglais, soutenue par une histoire parsemée de révélations.
On en apprends plus sur le Cercle Noir, le pendant américain de la Laundry, le méchant de l'histoire est basé sur les pires excès des mouvements évangélistes (et notamment les quiverfulls, ceux qui considèrent qu'il faut faire le plus d'enfant possible pour qu'ils soient les flèches du carquois du seigneur), et cela se termine sur une scéne d'action dans une autre dimension pleine de zombies et de nonnes avec mitraillettes (mais qui sont les gentils a votre avis ?), et des perspectives intrigantes pour le volume suivant.
Bref, j'en redemande, surtout qu'il semblerait que l'auteur ait prévu de nous montrer Case Nightmare Green d'ici un ou deux livres ( sur un total de 9 ou 10 pour cette série).