mercredi 22 octobre 2014

La patience du diable par Maxime Chattam




Deux adolescents abattent les passagers d’un TGV. Lors de l’interception d’un go-fast, la gendarmerie ne mets pas de la main sur une cargaison de drogue, mais révèle un trafic de peaux humaines. Des gens sont découverts morts de peur. Alors que de plus en plus d’actes de violences aveugles frappent une France en crise, La lieutenante de gendarmerie Ludivine Vancker, hantée par les horreurs de sa précédente enquête, finit par se demander s’il n’y a pas un lien.
Ce qui est bien avec Chattam, c’est que c’est facile à lire, et aussi à critiquer (je me dis en pensant à ma critique en attente de Bel Dame Apocrypha, qui est autrement plus dure à écrire). Ca commence à cent à l’heure, comme d’habitude le style est fluide, les personnages (qu’on a vu dans un autre livre, que je n’ai pas lu) attachants, les 200 premières pages sont passionnantes. Et puis le rajout continuel de scènes de massacres m’a lassé : elles sont certes glauques et choquantes, et contribuent à l’ambiance générale, l’enquête, certes bien construite, n’est pas passionnante, et j’ai fini par décrocher.
J’ai cependant apprécié que l’enquête se passe en France, cela changeait par rapport à certains de ses livres précédents. On parle donc de la gendarmerie, et non du FBI, de la Courneuve plutôt que du Bronx, de l’ambiance en France actuellement (c’est clairement un roman de son époque).
La détresse croissante qui plombait la France comme la plupart des nations industrialisées depuis plusieurs années avait atteint son apogée avec la succession de coups d'éclat criminels sur lesquels Ludivine travaillait. Elle en était convaincue.
Il y a aussi quelques théories relativement intéressantes sur la place de la violence dans la société (de consommation) moderne.
Mais bon... j’ai surtout l’impression d’avoir déjà lu ce livre, et si la capacité de Chattam à écrire des thrillers efficaces est incontestable, j’ai besoin d’un peu plus d’originalité, de surprise. Le final était décevant, comme si l’auteur avait voulu tendre un piège au lecteur, et l’avait raté, ruinant tout son effet.
La forme est bonne, mais le fond laisse sur sa faim. Je vais quand même me procurer le livre précédent, la Conjuration Primitive, parce que les personnages sont sympathiques, et que j’espère que le « premier » (les deux livres ne me semblent pas vraiment liés) de la série sera plus surprenant.

dimanche 19 octobre 2014

Three Parts Dead par Max Gladstone



La découverte que les hommes pouvaient utiliser directement le pouvoir des Dieux a entrainé de terribles conflits, dont le monde porte encore les stigmates. Il est devenu courant pour un Dieu de signer de contrat de prêts de pouvoir, pour par exemple servir de force de frappe magique à la demande.
Gods, however, made deals. It was the essence of their power

Ce qui est moins courant, c’est quand l’exécution d’un de ces contrats entraîne la mort d’un Dieu, Kos, Seigneur du Feu et divinité tutélaire de la grande cité d’Alt Columb, à priori par épuisement de son énergie.
Abelard faced her. His eyes were dead as a charred forest. “I was the one watching the Throne when God died.”

Dès que la nouvelle est connue, un procès se déclenche, pour savoir sous quelle forme la Divinité reviendra, opposant ses prêtres à ses créditeurs.
The Court chambers were smaller than the immensity of the black pyramid led one to believe. Most of the extra space was packed with the machines required to support human beings who dared meddle in the affairs of gods.

Tara Abernathy, au début de cette histoire, est de retour dans le village de ses parents.
Elle y est parvenu de justesse après avoir été expulsé des Écoles Invisibles, là où elle étudiait auprès des Maîtres de l’Art, ceux qui se sont opposés aux Dieux (et ont gagnés). Son expulsion (pour des raisons que l’on découvrira au fur et à mesure) a failli la tuer, car elle avait été envoyé tout près de la Fissure dans le Monde, une des blessures des Guerres Divines. Revenu donc dans sa famille, elle s’occupe tant bien que mal de problèmes contractuels mineurs.
Ned Thorpe lost half the profit from his lemon crop every year, due to a bad arbitration clause in his reseller’s contract. Ghosts stole dead men’s bequests through loopholes in poorly written wills.
C’est alors que l’une des associées ( partner en version originale) dirigeantes de la prestigieuse firme d’Art « Kelethras, Albrecht et Ao » vient la chercher, pour défendre l'Eglise de Kos : il faut prouver au procès que le Dieu n'a pas fait une faillite personnelle dont il serait le seul responsable par mauvaise gestion de son « crédit », mais qu'il a été assassiné. Il lui faudra donc enquêter, plaider, et risquer sa vie, et ceci rapidement, avant que la nouvelle d ne se répande auprès des créditeur et de la population d'Alt Coulomb. Avec la mort du Dieu, tous les mécanismes de la ville (machine à vapeurs, transports, etc..) alimenté par sa Puissance vont en effet s'éteindre.

It had been an odd couple of hours, and she had a feeling that, before the week was out, her life would grow stranger still.
Cette citation résume bien le livre : c'est un univers étrange - mais très cohérent, on n'est pas dans l'onirisme. On est entre John Grisham et China Miéville, mais plus proche de Perdido Street Station que de La Firme. Les descriptions sont évocatrices, parfois poétiques, un plaisir de lecture, un appel à l’imaginaire.
To the north it bordered the business district, where skeletal mages in flowing robes bargained with creatures from beyond the mortal world in towers of black glass that scraped the sky.

L’auteur évite aussi de nous abrutir par trop d’informations en même temps. Sans faire dans l’obscur, il dévoile son monde au fur et à mesure, introduisant des éléments qui semble parfois superflus mais qui se révèlent importants par la suite. Cela reste une écriture modern, avec de petites touches d’humour.
Furled wings rose like twin mountains from his back. His open eyes were emerald green and large—at least three times as big as hers, eyes the size of billiard balls. She focused on the eyes because otherwise she would focus on his hooked, toothed beak.

Les personnages sont aussi intéressants. Outre Tara, déjà évoquée, il y a aussi un autre personnage féminin fort, Cat, incarnation de la Justice pendant ses heures de travail, droguée en dehors pour combler le manque de ne plus être investie par la magie. En contre-point, le seul « héros » masculin, Abelard, jeune prêtre, confronté à la perte possible de son Dieu, est presque effacé.
J’ai beaucoup aimé le monde, limite steampunk, mais pas vraiment, pas vraiment médiéval fantastique non plus, avec une légère couleur mésopotamienne. Les concepts généraux (les contrats avec les Dieux, l’opposition homme-divinités) sont originaux, et l’enquête (et le procès) tiennent la route – bien que j’ai un souvenir d’avoir été un tout petit peu déçu par la façon dont cela se résout. Mais à part ce petit bémol qui ne couvre que quelques pages, tout le long du livre, on va de révélations en découvertes, d’intrigues en mystères. Je suis impatient de lire la suite, et je conseille ce livre à tous ceux qui veulent de la fantasy différente, et très bien écrite.