vendredi 12 septembre 2014

Ancillary Justice, par Ann Leckie



Sur une planète perdue ou l'a mené la quête impossible qu'il mène depuis 20ans, Breq retrouve dans la neige, mourant(e) - je reviendrai sur cet accord incertain - quelqu'un qu'il a connu il y a de cela un millénaire.
Breq, à l'époque, était le vaisseau Justice de Toren qui les transportait tous les deux.
En effet, Breq était l'IA d'un vaisseau de guerre de l'Empire Radch, et en même temps incarné(e) dans des ancillaires : des corps humains (dont on a détruit "l'âme"), en général les perdants des guerres coloniales et d'annexions de l'empire. Il / elle contrôle/est hébergé dans/ possède plusieurs dizaines de ces corps simultanément, ce qui lui permet d'être partout à la fois, ou presque, et d'en même temps servir d'ordonnance a son officier (un vrai humain), monter la garde autour de leur résidence, et enquêter sur une mystérieuse contrebande dans une ville récemment conquise.
Enfin, cela lui permettait, car il/elle est depuis vingt ans seul (e), isolé (e), une anomalie dont personne ne soupçonne l'existence.
Ce roman a eu trois prix cette année, dont le dernier en date, et le plus prestigieux peut-être, le Hugo. Il y a plusieurs choix stylistiques intéressants, sur le papier. Le premier est d'alterner la narration (à la première personne) entre le présent et une période - déterminante pour le/la heros/ine - d'il y a 20 ans. Ce n'est pas forcément original (cf Ian Banks), mais c'est bien mené.
Plus original, l'auteur a décidé que le genre par défaut de son roman serait le féminin, en rajoutant par-dessus/avec que la civilisation du narrateur n'attache pas d'importance au genre, avec un langage qui ne le marque pas, et un narrateur pour qui la notion même de sexe n'a pas d'importance. Ne le lisant pas dans ma langue maternelle, je ne suis pas certain d'avoir mesuré toute la mesure de ce changement de genre par défaut dans le langage, mais pour ce que j'en ai donc perçu, et de la hauteur de mon privilège masculin, je n'ai pas vraiment été convaincu.
Les corps multiples du narrateur (j'abandonne les jeux d'accords et de genre, trop lourds) sont l'objet de quelques passages intéressants, ou le multi-doublement (les ancillaires étant capable de pensée relativement indépendantes) nous est décrit sous la forme de perceptions multiples et d'actions simultanées.
De même, le fait que l'Empereur existe en plusieurs centaines de corps, capable d'actions indépendantes, voir cachées, a des ramifications intrigantes, qu'on découvrira au cours de la lecture comme assez centrale.
Enfin, l'univers, qui se dévoile par touche, a l'avantage de ne pas être trop mystérieux (je te regarde, Steven Erikson et ton Mazalan Empire..) dès le départ. La structure géopolitique de l'empire est basée sur l'expansion (par la conquête continuelle), mais il s'est heurté à une race qui l'a bloqué dans son élan, ce qui commence - dans le présent du livre - à mettre en danger sa structure sociale. Là encore, c'est une ramification qui se rattachera à l’intrigue principale.
Cependant, malgré une certaine richesse, et des idées intéressantes, je suis resté sur ma faim. Il y a peu de développement de personnages, le rythme est parfois un peu lent, et l’histoire se termine presque brutalement.
J’en garde une impression mitigée, un sentiment d’inachevé, et je doute que cela ait été le meilleur choix pour le Hugo. Il s’agit cependant du premier volume d’une trilogie « lâche », et je reste curieux de voir comment cela va évoluer à la fois pour le narrateur, et l’univers.

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