dimanche 21 avril 2013

Nekropolis, par Maureen F. McHugh



Dans le Maroc du milieu du 22eme siécle, Hariba est une domestique, qui a été "jessed". C'èst a dire que son cerveau a été modifié pour qu'elle soit intrinsèquement loyale à son propriétaire (il s'agit d'indenture volontaire à la Jack Vance, même si la aussi, le coût de racheter son contrat est si important qu'au final on peut parler d'esclavage). Mais quand elle découvre Akhmim, un harni, ou Chimère, être humain bio-construit (avec un statut, dans cette région du monde, de non-humain), elle se retrouve à vouloir.. autre chose.
Je ne sais pas comment ce livre s'est retrouvé dans ma liste de lecture. Je l'ai commencé sans rien savoir, pour tout dire, je m'attendais a des zombies.
Je fus fort désappointé. En effet, le titre fait référence au fait qu'une partie de la population (la plus pauvre) vit dans une ancienne cité mortuaire, depuis longtemps livrée aux vivants.
Cependant, j'ai accroché au style, subtil et plein de mélancolie, et à la structure narrative. On a droit a plusieurs narrateurs, mais qui ne s'entrecroisent pas. Hariba commence à raconter pour trois ou quatre chapitres, puis le flambeau est repris par Akhmin, qui raconte la suite de l'histoire. Au final, il y a 4 narrateurs différents, Hariba revenant en fin de roman. Cela change des narrations passant d'un personnage a un autre en un cycle ininterrompu, si courantes maintenant.
Au bout de cent pages, je me suis souvenu de la Servante Ecarlate : Nekropolis en serait il "une version musulmane" ?
En effet, comme dans le livre d'Atwood, le récit est celui d'une femme oppressée par la sociétés et la religion.
Mais ce n'est pas si semblable principalement par le fait que la Servante se déroule peu de temps après l'arrivée au pouvoir des forces d'oppressions. Dans le livre de McHugh, les forces oppressives sont installées depuis bien plus longtemps.
Du coup, alors que - de mémoire - Atwood nous raconte une rébellion plutôt franche (même si étouffée), et une oppression brutale, ici celle-ci est par contre totalement internalisée par les individus qui la subissent.
Quand Hariba a peur parce qu’elle est dans un café avec un homme, il n'y aucune révolte de sa part (et aucune pression visible exercée), c'est un état de fait, c'est ainsi pour les femmes.
Le parallèle de cette soumission "acquise" est la soumission innée d'Akhmin, une création artificielle, conçu pour obéir.
C'est quelque part encore plus troublant : le lecteur est plus affecté que le personnage, sans que l'auteur ait besoin d'insister, on n'a pas affaire ici a un pamphlet.
D'autres exemples de cette acceptation implicite de l'oppression se retrouvent en contraste dans le discours intérieur de la mère de Hariba à propos du veuvage :
"J'ai toujours eu un plaisir secret à être veuve[..] cela m'a permis d'être un homme quand je le voulais".
"Zehra et Driss avait un bon mariage je pense, mais maintenant qu'il est parti, Zerha est devenue elle même. Elle est différente sans lui, plus comme je me souvenais d'elle quand elle était une jeune fille audacieuse. Elle s'est redonnée la part d'elle qu'elle avait abandonnée en se mariant"
(comme d'habitude : textes traduits a la volée par moi même, ne sont pas représentatifs de la qualité d'écriture du livre)
La libération ne peut se produire que par des phénomènes indépendant de la victime, alors même que celle-ci est capable pourtant d'en reconnaître les avantages.
Ainsi donc, ici, personne ne se révolte contre la société, au pire, on s'enfuit sans trop savoir ce que l'on fait, ni ce que l'on veut.
Même si mon résumé pousse à le croire, ce n'est pas vraiment une histoire d'amour, en tout les cas pas quelque chose de romantique. Hariba et Akhmin ne cherchent pas tant un amour romantique, que d'avoir un compagnon, de ne pas être seul.
La part de science-fiction "pure" est assez faible, jusqu'au moment ou on a une vision d'une Europe (et notamment Espagne) riche, et accueillante pour les gens en recherche d'asile. Cela pourrait être très sarcastique, mais le livre étant écrit en 2001 par une américaine, on va dire que c'est de l'anticipation optimiste : va savoir ce qui peut arriver d'ici un siècle et demi...
En conclusion, une très bonne surprise : un récit attachant, servie par un style subtil.

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